Une débâcle pour certain, une victoire criante pour d'autres. Ce premier tour des élections législatives n'a globalement pas fait dans la demi-mesure dans le Rhône. Sur les quatorze circos du département, aucune n'a résisté aux marcheurs, arrivés en tête partout. Même si aucun candidat n'est parvenu à s'imposer dès ce premier tour, certaines circonscriptions sont assurément d'ores et déjà perdues pour les députés sortants, qui vont maintenant rejoindre l'opposition.
Mais quelles vont être, justement, les conséquences d'une telle victoire sur l'opposition locale à droite ? Assurément, celle-ci va se trouver largement affaiblie par ce scrutin national, à la veille des bouleversements que le départ de Gérard Collomb va causer. Pourtant, rien n'est encore joué, assure Romain Meltz, politologue et enseignant à Lyon 2 : "ça ne veut pas pour autant dire que c'est cuit au niveau local, explique-t-il. Concrètement, Philippe Cochet (LR) ne peut évidemment pas prétendre à la présidence de la Métropole. C'est le statu quo, personne à droite ne peut y prétendre, à cause du déficit de légitimité énorme" que cause ce premier tour des législatives.
Car les mauvais – et même très mauvais – résultats de la droite causent bel et bien un problème de légitimité. Ridiculisé par les candidats de La République en marche !, il est en effet difficilement concevable de voir la droite lyonnaise briguer de hautes fonctions en local. Conséquence, "la Métropole va rester 'Collomb – En marche'", prédit Romain Meltz. Mais la question de l'opposition de droite doit en fait se poser à plus longue échéance.
Des "règles du jeu" encore à définir
Même si cette opposition a pris du plomb dans l'aile dans l'immédiat, "cela ne veut pas dire que le paysage politique est transformé pour les quarante ans à venir", explique l'enseignant de l'Université Lumière. Et pour cause, la présidentielle et les législatives ne constituent qu'une partie des scrutins en jeu. Même si ceux-là sont acquis pour LREM, "cela ne veut pas dire que, pour les sénatoriales par exemple, tout le monde va se mettre à voter Macron. C'est une élection qui n'a rien à voir (les sénatoriales sont effectivement au suffrage indirect, ndlr)", analyse Romain Meltz.
Tout n'est donc pas perdu pour l'opposition. Et Stéphane Guilland, son chef de fil à droite à la Métropole, l'a bien compris. "Aujourd'hui on a la chance d'avoir une fenêtre de trois ans qui va s'ouvrir et qui va permettre de construire un vrai projet d'alternance pour Lyon", relativise-t-il. Son objectif : les municipales. "Pour préparer les prochaines municipales de 2020, il est urgent d'être le 18 juin 2018, explique Stéphane Guilland. À partir de cette date on connaîtra les règles du jeu. On saura qui sont nos députés, qui sont nos sénateurs et on n'aura plus d'élections qui nous pourriront la vie."
Le couperet n'est donc peut-être pas encore tombé pour Lyon. La très marcheuse capitale des Gaules que Gérard Collomb a façonnée risque bien de rester dans le giron LREM (autrefois PS), mais pour combien de temps encore ? D'autres scrutins sont encore à venir, avec les sénatoriales dès septembre et, plus loin, les municipales de 2020.
L'abstention, clé du second tour des législatives ?
D'ici là, il va falloir remobiliser l'électorat de droite pour limiter la casse. L'abstention au premier tour a en effet causé bien des dégâts à droite, alors qu'elle a pu profiter aux candidat LREM, selon Romain Meltz. "Il y a eu un effondrement de la participation qui a concerné tous les partis, sauf En marche !", constate ce dernier.
Un constat que Patrice Verchère, candidat sortant LR dans la 8e circonscription, a pu vérifier sur le terrain. Même s'il est le candidat le moins distancé par son adversaire LREM (cinq points les séparent), l'abstention, notamment à Écully, lui a fait perdre de précieux pourcentages. Il faudra donc puiser des voix là où il y en a, alors que "[sa] circonscription constitue la seule chance du maintien du pluralisme dans le département", concède-t-il.
Georges Fenech, lui aussi LR, n'est effectivement pas parvenu a rassemblé autant que Patrice Verchère, dans sa 11e circo. Avec presque vingt points de retard, il a été largement devancé par le candidat LREM. Mais lui aussi "lance un appel solennel aux abstentionnistes du 1er tour" pour faire opposition aux marcheurs.
Il ne faut cependant pas compter sur la mobilisation des abstentionnistes selon Romain Meltz. Car en cas de "sursaut de participation, il bénéficierait à l'ensemble des candidats. […] Il n'y a pas de raison qu'il concerne que ceux qui ne se sont pas manifestés au premier tour. D'autant plus que les candidats d'En marche !, qui avaient déjà la légitimité de par l'élection d'Emmanuel Macron comme président, ont maintenant encore plus de légitimité puisqu'ils ont remporté haut la main le premier tour des législatives." Une légitimité qui pourrait finalement pousser les indécis à se tourner vers les candidats LREM.
Hormis cette 8e circonscription où une once de suspense demeure, les dés semblent bien jetés pour les treize autres. Les candidats LREM sont en position de force, et "il faudrait, il faudra une autre élection pour les mettre en difficultés", estime Romain Meltz. Et ce sont justement ces autres élections qui pourront être le salut, à long terme, de l'opposition lyonnaise face au rouleau compresseur Macron.
Mais en attendant, "pour cette élection, c'est fini", conclut Romain Meltz.