"Notre travail [co-signé par Renaud Payre, directeur de l’IEP de Lyon disponible ici vise à éviter le discours globalisant qui fait croire que l’on peut résumer le vote des villes contre le vote du péri-urbain en une phrase. Nous voulons entrer dans le détail".
Pour réaliser leur analyse, les deux auteurs ont reçu les cartes bureau de vote par bureau du vote pour les différents candidats, ainsi que des chiffres sur le profil socio-démographique des Lyonnais (par exemple le niveau de diplôme, l’ancienneté à Lyon, la Catégorie Socio-Professionnelle, etc.) Ils travaillent ensuite sur des corrélations entre ces différents chiffres. "Grâce à ces données on peut montrer qu’au niveau des bureaux de vote là où on a voté pour Macron en 2017 on votait pour Sarkozy ou Bayrou en 2012". De la même façon, la corrélation est forte entre un vote Le Pen en 2017 et l’absence ou la faiblesse du diplôme possédé par les personnes allant voter dans ces bureaux de vote.
Les analyses des deux chercheurs permettent de mettre en valeur à la fois les permanences au cours du temps : "Lyon depuis 50 ans vote au centre et au centre droit. Le vote Macron + Fillon au 1er tour de la présidentielle c’est 54% des suffrages exprimés".
Ce qui n’empêche pas que les deux votes soient différents : "le vote Fillon est un vote très concentré, à un niveau très élevé dans les bureaux de vote qui vont de Ainay au Parc de la Tête d’or, plus quelques taches sur la "colline qui prie". C’est un vote catholique, bourgeois, de propriétaires de leur logement ". A l’opposé, le vote Macron est moins concentré : "il est le fait de Lyonnais arrivés plus récemment, parfois de Paris, de cadres du secteur privé mariés avec enfants, que l’on peut retrouver aussi dans le 2ème et le 6ème mais plutôt autour de Confluence et de Cité Internationale. Mais même dans la rue Auguste Comte - dans le 2ème historique - vous voyez que ça change et que des nouveaux magasins ouvrent correspondants à ces nouveaux profils".
Le vote Le Pen est aussi excentré que celui pour Fillon était central. A un niveau plus faible, car il ne rassemble que 7% des inscrits en moyenne sur la ville, on le retrouve dans les quartiers « politique de la ville » (La Duchère, Langlet Santy).
Le vote Mélenchon a quant à lui un double aspect : "En parodiant Bourdieu on pourrait dire qu’il y a un vote Mélenchon de ceux qui ont un fort niveau culturel sans capital économique à l’image d’artistes, de traducteurs, d’intermittents du spectacles, que l’on retrouve plus souvent dans le 1er arrondissement et dans une partie du 4ème autour de Gros Caillou. Et en même temps un vrai électorat populaire qui a voté pour Mélenchon : des employés, des ouvriers qui vivent dans le 7ème, le 8ème, le 9ème". Il recoupe et écrase le vote Hamon qui lui ressemble à un niveau quantitatif très inférieur mais sans ce caractère populaire.
Au final, l’étude de Jean-Yves Authier et Renaud Payre sur Lyon est classée - avec pour seule collègue Paris - dans la catégorie des villes "Au sommet de la hiérarchie urbaine", ce qui est à double lecture. On retrouve des caractéristiques communes avec Paris (par exemple un niveau d’emploi de cadres élevé) mais toujours un peu en dessous. Paradoxalement c’est peut-être le fait que les prix du m² soient beaucoup plus bas que ceux parisiens qui permet à Lyon de rester dans la course en tête, car des cadres de hauts niveaux viennent s’y installer pour pouvoir y loger leurs deux ou trois enfants.