Ce mardi, Michèle Picard fait convoquer devant le tribunal correctionnel Lotfi Ben Khelifa et Farid Ben Moussa. Le premier est l’opposant préféré de la maire de Vénissieux qui ne cache pas son intention de lui rafler son siège à l’occasion. Le second tient un blog énervant du nom de Vénissieux Poubelle la Vie dans lequel il dénonce régulièrement la saleté et l’insécurité qui, selon lui, règnent dans sa ville.
Ce qu’on leur reproche ? Lotfi Ben Khelifa s’est permis de publier des extraits d’une lettre d’insultes et de menaces de mort adressée à Mohamed Boudjellaba qui avait intenté un procès au maire de Givors. Dans ce courrier, le courageux anonyme s’en prenait également à Lotfi Ben Khelifa en ces termes "Tu es le même foutla-merde que Lotfi Ben Khelifa (sic) conseiller municipal de Vénissieux qui baise avec la putain de maire Michèle Picard". Alors qu’à l’évidence c’est Mohamed Boudjellaba qui est visé, et par contrecoup Lotfi Ben Khelifa, c’est ce dernier qui est traîné en justice. On lui reproche la formulation "putain de maire", comme si elle était de lui. On ne sait pas ce que la chambre de la presse va décider, mais si elle devait poursuivre tous ceux qui utilisent des expressions comme : "putain de camion, putain d’ordinateur ou putain de con", c’est toute la ville de Toulouse qu’il faudrait enfermer !
Mais surtout une condamnation signifierait qu’on n’a plus le droit de citer des propos haineux pour les dénoncer. Quant à Farid Ben Moussa on lui reproche officiellement des commentaires ironiques tenus sur le profil Facebook de Lotfi Ben Khelifa. Pas du tout le contenu de son blog bien sûr. Qu’elle prospère ou non, la procédure n’est pas gratuite. Michèle Picard, par l’intermédiaire de ses conseils réclame 8 000 euros de dédommagements.
Quand on sait que le simple fait de se faire représenter au tribunal coûtera entre 2 000 et 4000 euros on comprend ce que la procédure peut avoir de dissuasif. La municipalité communiste n’en est pas à son coup d’essai. Un autre blogueur Bladi Haddou a été lui aussi poursuivi devant la Justice. Il tient un blog indépendant du nom de Vénissieux Infos, pas particulièrement d’opposition, mais indépendant. En 2014 il avait repris une information de Lyon Capitale selon laquelle Evelyne Ebersviller, présidente de la société d’HLM SACOVIV aurait omis de déclarer une partie de ses indemnités, bénéficiant ainsi de tarifs avantageux.
Bizarrement, ce n’est pas le journal qui a été poursuivi, bien que l’article y soit toujours visible, mais le blogueur, bien que son post ait été retiré. Relaxé en première instance il a été traîné en appel, relaxé une nouvelle fois, mais les frais de justice restent à sa charge.
Une troisième affaire se profile déjà. Elle est renvoyée au 20 juin. Elle concerne Azzedine Mebarki. Toujours sous le motif d’injure publique envers une personne dépositaire de l’autorité, six membres de la majorité picardienne le poursuivent pour les avoir accusés sur Facebook d’être "soumis au PCF". En janvier dernier la maire a fait voter une délibération qui leur permet d’aller en justice avec le soutien financier de la municipalité. On ne sait pas si c’est le terme "soumis" ou le terme "communiste" qui est considéré comme injurieux.
On n’ose imaginer qu’il puisse y avoir des règlements de comptes politiques là derrière, ce serait tellement injuste ! C’est donc à titre purement anecdotique qu’on observe qu’Azzedine Mebarki était présent sur une liste d’opposition aux municipales de 2014 avec Christophe Girard (LR). Et aussi qu’il fait partie de l’équipe qui a repris la gestion de l’Association Sportive Minguettes Vénissieux en octobre 2014, mettant fin à une gestion calamiteuse qui avait creusé un trou de 140 000 euros sur un budget de 280 000 environ, virant au passage deux dirigeants qui faisaient pourtant partie du comité de soutien de Michèle Picard (Joseph Inzirillo et Georges Clavel).
On préféra se concentrer sur la partie littéraire de l’histoire.
Quelle blogueuse vénissiane a écrit ceci aux lendemains de l’attentat contre Charlie Hebdo ? "Toucher à la liberté d’opinion, à la liberté de penser, à la liberté de la presse, au pluralisme et à la laïcité, c’est toucher au coeur de nos principes républicains. La cible est clairement affichée : c’est l’esprit de la République, ce sont les fondations de la démocratie qui ont été visés. (...) La France, de par son histoire, de par son attachement séculaire à la liberté de la presse, à la presse satirique et humoristique en particulier, a aujourd’hui perdu le sourire". Un indice : elle est maire d’une ville communiste et donc insoumise.
Épilogue. Contactée par nos soins, Michèle Picard n’a pas souhaité qu’on lui pose des questions, mais elle a répondu qu’elle "ne commentera pas une procédure en cours et s’en remet au juge".