L’année 2017 des métiers de bouche commence en fanfare par une joute entre deux poids lourds du paysage gastronomique lyonnais : Jean-Claude Pignol, traiteur à Brignais, et Claude Polidori, président de l’association des commerçants des Halles de Lyon. En jeu, l’attribution du pôle alimentaire de l’Hôtel-Dieu, dont l’ouverture est prévue pour décembre 2017.
A vrai dire, tout le monde croyait l’affaire pliée, quand, en décembre dernier, était révélée la liste des commerçants réunis autour de Jean-Paul Pignol dans un groupement d’intérêt économique (GIE). Ces commerçants s’engagent à s’installer sur les 1200m2 dédiés aux futures (petites) Halles de la Presqu’île. La plupart sont bien connus sur la place de Lyon, et au-delà, comme le poissonnier Vianney, le boulanger Pozzoli, la cave Guyot, Cerise et Potiron, les chocolats Voisin… ainsi que deux enseignes emblématiques des Halles Paul-Bocuse : la fromagerie de la Mère Richard et la boucherie Trolliet.
Autant de commerçants aux reins solides car, on s’en doute, le prix du mètre carré sera supérieur à celui du Saint-Marcellin, aussi affiné soit-il.
Au même moment, les commerçants des Halles Paul-Bocuse ont eu la surprise de recevoir un courrier daté du 14 décembre. Sur la base des démarches engagées "à ce stade de manière informelle", le président de l’association Claude Polidori estime légitime que les Halles, "mémoire gustative de nos régions", s’intéressent par une "initiative collective" à cette future vitrine haut de gamme. Et d’annoncer une consultation pour relever les candidatures. Cette initiative tardive en a étonné plus d’un : "Ca sort du chapeau !", s’est étranglé un commerçant des Halles en lisant la lettre.
Le projet d’une halle alimentaire au Grand-Hôtel-Dieu est en effet connu depuis deux ans au moins. La commercialisation a été menée par Eiffage, puis par Scaprim (Crédit Agricole). Jean-Paul Pignol affirme avoir pris les devants dès 2015 en sollicitant nombre de commerçants lyonnais des Halles et d’ailleurs, pour aboutir aujourd’hui à une proposition collective précise.
Pendant la trêve des confiseurs, le traiteur de Brignais nous a affirmé qu’il apporterait à la Scaprim début janvier la la lettre d’engagement des commerçants qu’il a réunis.
Face au récent réveil de Claude Polidori, Jean-Paul Pignol semble sûr de son coup et garde son calme en nous confiant avec une pointe d’ironie relevée de piment rouge : "Je suis favorable à la concurrence, elle apporte de l’énergie et fait bouger les lignes. Je ne suis pas surpris par l’initiative de Claude Polidori. Je le connais, c’est une locomotive à vapeur. Il se réveille parce qu’il s’est fait secouer par ses adhérents. Il n’est d’ailleurs pas le seul. D’autres commerçants qui étaient venus aux réunions de présentation du pôle alimentaire mais n’avaient pas donné suite se manifestent aujourd’hui. La Scaprim jugera. Mon projet est bouclé. Nous l’avons défini sur deux niveaux de 600m2 en concertation avec l’architecte Bernard Constantin pour définir les besoins des commerçants, l’arrivée des marchandises, les fluides, la climatisation… Tout est prêt".
Est-il encore temps pour les candidats retardataires ? Toujours souriant et décontracté, le président Polidori se montre confiant. "Dix ou douze commerçants des Halles sont intéressés, on se poussera un peu s’il faut aller jusqu’à quatorze. Je transmettrai la candidature à la Scaprim mi-janvier". Conscient qu’il arrive un peu tard sur ce coup, Claude Polidori laisse entendre, ou peut-être l’espère-t-il, que deux pôles alimentaires pourraient coexister, ou être réunis en un seul : "Je sais qu’il y a d’autres locaux disponibles à l’Hôtel-Dieu", affirme-t-il.
La Scaprim jugera dans les semaines à venir.
Reste que la participation de deux enseignes des Halles aussi connues que la Mère Richard et Trolliet au GIE de Pignol, cela fait un peu désordre dans cette institution qui, en dernière minute, monte un projet concurrent. Cela ne froisse pas plus que cela le président Polidori, en façade tout au moins : "Ces commerçants ont pensé que c’était mieux d’aller avec Pignol parce que mon projet est plus compliqué à mettre en place et parce qu’on n’avait pas formalisé les choses".
Pas sûr que cette tempérance suffise à resserrer les rangs dans les travées des Halles.