Matisse, le laboratoire intérieur, au MBA jusqu’au 6 mars

Matisse, le laboratoire intérieur, au MBA jusqu’au 6 mars

Partout dans la ville de Lyon - jusque sur les vitres du Monoprix de Cordeliers -  on rencontre le portrait, esquissé à la peinture noire, de Jacqueline Matisse, petit fille du peintre, utilisé pour illustrer l’exposition Matisse qu’abrite le Musée des Beaux-Arts de Lyon jusqu’ au 6 mars.

C’est l’affiche qu’on retrouve sur les murs du métro parisien. Car "Matisse, le laboratoire intérieur" n’est  pas une  exposition juste pour les Lyonnais.  Conscientes du travail remarquable qu’elles ont réalisé avec leur équipe, Sylvie Ramond et Isabelle Monod-Fontaine, commissaires, la proposent bien au-delà de la Presqu’ile. Elles offrent alors une plongée dans le travail de création de Matisse.

 

Il n’existe certes pas de catalogue raisonné – c’est-à-dire le répertoire d’ensemble des travaux d’un artiste - de l’œuvre d’Henri Matisse. La profusion des dessins, des peintures et sculptures de Matisse rend peut-être impossible la tâche. Mais les 14 salles chronologiques de l’exposition du MBA - de Matisse étudiant parisien en 1890 à l’artiste habité de la Chapelle de Vence en 1948 (il meurt à Nice en 1954) en passant par Lyon où il est opéré et sauvé miraculeusement d’un cancer en 1941 –  offrent au visiteur une chance unique d’entrer un peu en contact avec le mystère de la création artistique par Henri Matisse.

Le spectateur est pris par la main par les deux commissaires de l’exposition qui ont rassemblé un nombre d’œuvres considérables (et notamment des musées et fondations de la côte Est des Etats-Unis) pour réussir à faire comprendre les ressorts d’une vie de création marquée par les mille tentatives pour explorer toujours plus de possibilités artistiques.

 

La salle 7 appelée "La forme odalisque" en est un bon exemple (une odalisque était une vierge de harem au rang élevé). L’intense travail que réalise à cette époque Matisse dans son appartement niçois pour réussir à évoquer une époque historique ancienne d’une civilisation éloignée par le simple biais de la position d’un corps de femme à côté d’objets du quotidien apparait clairement au visiteur du MBA quand Sylvie Ramond place côte à côte une sculpture "Grand nu assis" et une peinture : "Odalisque au tambourin". La cohabitation entre ces deux nus féminins  révèle d’un coup ce que l’œil du spectateur ne pourrait voir s’il n’était pas guidé. C’est le résultat de ces sept années passées par Matisse à Nice avec la même modèle, Henriette Darricarere  (une amie de sa fille) dans le même appartement transformé en décor, agrémenté d’accessoires (Matisse transforme un chapeau pour les besoins d’une séance) pour avancer toujours plus loin dans la représentation picturale.

 

Ce même travail d’éducation du regard d’un spectateur émerveillé se fait presque partout. Dans la salle 4 "Du portrait au visage" où l’on peut suivre pas à pas l’incroyable histoire du portrait de la jeune Yvonne Landsberg dont les parents demandent à Matisse de réaliser le portrait. Enthousiasmé par le projet, Matisse propose à ses futurs clients de le laisser libre d’interpréter le portrait de leur fille, tout en leur donnant la possibilité de ne pas acheter l’œuvre si le résultat ne leur plait pas. Au final, un portrait (huile d’1,5 m sur 1 mètre) est présenté dans l’exposition, entouré de 5 ou 6 dessins du visage de la jeune Yvonne réalisés par Matisse entre les séances de pause. Sur ces dessins, le visage banal d’une jeune fille.

Le visiteur peut alors saisir d’un coup la distance qui sépare les dessins du portrait final (prêté par le Musée d’Art de Philadelphie) et frôler un instant le mystère de la création du génial peintre. Ce mystère qui a dû effrayer les parents de la jeune fille car ils n’ont finalement pas acheté le portrait peint par Henri Matisse.

 

Une exposition très riche, difficile à appréhender en une seule visite, mais le MBA ne déménage pas dans les mois prochains.

 

@lemediapol