Depuis que le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez a refusé d’accorder une subvention d’un million d’euros au futur institut français de civilisation musulmane, la tension autour de ce dossier ne retombe pas.
"Dans cet espace de la République, fragile et précieux, nous ne pouvons considérer que viennent s’immiscer de manière significative des Etats étrangers par le biais du financement de l’IFCM" avait justifié Laurent Wauquiez.
Financement de l’Algérie et de l’Arabie Saoudite
L’Algérie et l’Arabie Saoudite doivent en effet injecter 1 million d’euros dans un projet qui se chiffre au total à 6,6 millions d’euros. Voilà le cœur du problème même si ce financement étranger reste minoritaire. Si l’association de l’IFCM apporte 2,5 millions d’euros de fonds propres, l’Etat, la ville de Lyon et la Métropole de Lyon concourent à hauteur d’un million d’euros chacun. Des entreprises privées soutiendront le projet pour 600 000 euros.
Déjà en février 2016, le conseil départemental du Rhône avait refusé de subventionner l’IFCM à hauteur d’un million d’euros pour les mêmes raisons que celles avancées par M. Wauquiez. Pourtant, Michel Mercier et Jean-Jack Queyranne, les anciens présidents du département et de la région, s’étaient engagés en leur temps à soutenir financièrement le projet porté par Kamel Kabtane, le recteur de la grande mosquée de Lyon.
En voie de totale vassalisation du numéro 2 du parti Les Républicains, la droite lyonnaise a largement suivi Laurent Wauquiez en décidant de voter contre la subvention d’un million d’euros de la ville de Lyon lors du conseil municipal de lundi dernier.
Loin d’être sourd aux critiques, Gérard Collomb avait décidé d’amender le projet en présentant une nouvelle délibération au conseil de la Métropole sensiblement différente de celle présentée devant le conseil municipal une semaine plus tôt.
Mise sous tutelle
"Pour moi, ce dossier est essentiel" a affirmé Gérard Collomb. "Il est symbolique de la façon dont nous concevons notre nation. […] Nous, on a essayé d’enlever les doutes. Il faut arrêter l’hypocrisie qui consiste à dire qu’il ne faut pas de financement étranger et dans le même temps ne pas financer soi-même, ce qui fait qu’au bout, il n’y a de financement de personne" a-t-il ajouté.
Pour "lever les doutes" justement, la Métropole de Lyon a quasiment décidé de la mise sous tutelle de l’IFCM en corrigeant sa gouvernance. Ainsi, un conseil d’administration de 23 membres a été décidé dans lequel siègeront des représentants de la ville de Lyon, de la Métropole de Lyon, des universités ainsi que des personnalités qualifiées désignées par ces trois instances.
Par ailleurs, un conseil d’orientation et de surveillance composé de représentants de l’Etat ainsi que de membres de la ville et de la Métropole de Lyon "aura droit de regard sur les orientations de la programmation et sur les embauches du personnel de l’IFCM" selon l'amendement voté à la Métropole ce lundi.
Dans le même esprit, le bureau de l’association sera composé, comme chaque association, d’un président, d’un trésorier et d’un secrétaire auxquels seront adjoints un vice-président, un trésorier adjoint et un secrétaire adjoint issu des partenaires institutionnels que sont la ville, la Métropole de Lyon et l’université de Lyon.
Humiliation
Si ces gardes fous sont autant de contrôle des activités de l’IFCM, ils en disent long sur les arrières-pensées qui les motivent. C’est comme si les Musulmans de France étaient constamment présumés coupables de dérives islamistes potentielles.
Cet arrière-pensée vise, telle une humiliation, le recteur Kamel Kabtane qui entretient pourtant des relations apaisées avec les autorités républicaines avec constance. Le président du groupe Les Républicains à la Métropole, Philippe Cochet, a même souligné à son propos "l’intégrité dans les valeurs républicaines et son engagement pour l’ouverture des cultures [qui] méritent d’être soulignés".
Malgré tout, la consigne a donné de s’abstenir dans les rangs du parti Les Républicains quand les mêmes avaient voté contre à la ville et à la région. Comprenne qui pourra. Mais devant les gages fournis dans la gouvernance de l’IFCM, sept élus LR ont décidé de voter en faveur de la subvention : Guy Barret, Nora Berra, François-Noël Buffet, Agnès Gardon-Chemain, Patrick Huget, Inès de Lavernée et Laurence Balas.
Pour rappel, le projet de cet institut français de civilisation musulmane est dans les cartons depuis 1983. A l’origine, il était prévu d’édifier un tel centre culturel à proximité de la Grande Mosquée de Lyon en raison d’un terrain disponible.
Pour rappel, le projet de cet institut français de civilisation musulmane est dans les cartons depuis 1983. A l’origine, il était prévu d’édifier un tel centre culturel à proximité de la Grande Mosquée de Lyon en raison d’un terrain disponible.
Slim Mazni