Ces vacances je peux pas, j’ai poterie

Ces vacances je peux pas, j’ai poterie

Si vous êtes encore à Lyon, si vous revenez déjà, si vous ne partez pas en vacances, vous pouvez faire poterie en Afrique de l’Ouest pour le prix d’un billet au Musée des Confluences (9 euros  tarif plein, 6 euros après 17h).

Potières d’Afrique est une petite exposition, fabriquée par le Musée des Confluences, à propos d’un monde qui est peut-être mort aujourd’hui, qu’on oubliera peut-être d’aller voir, surtout parce qu’on se dit qu’on aura le temps. Alors que ce n’est pas sûr.

 

La céramique qui est exposée vient des collections du musée mais pas seulement. Il peut s’agir de pots immenses qui servaient à faire la cuisine, à baigner les enfants, comme réserve d’eau, et qui ont été ramenés d’Afrique de l’Ouest dans les années 90 par Camille Virot, céramiste à la tête d’une équipe française partie comprendre les techniques africaines de la céramique du quotidien. "Les poteries ramenées par Camille Virot ne sont pas entrées dans les collections patrimoniales du musée, parce que si ça avait été le cas, nous n’aurions pas pu laisser le public manipuler ces pots. Alors que dans notre exposition vous pouvez les prendre dans vos mains", explique Marie Perrier, responsable des collections Afrique au Musée des Confluences.

 

Avec Yoann Cormier, les équipes du Musée, et les documents ramenés par Camille Virot (on verra un film qui montre la cuisson sans four par les potières de Kalabougou au Mali) Marie Perrier a fabriqué trois podiums qui illustrent le cycle de vie des pots en céramique, de l’extraction de l’argile aux dernières opérations de trempes dans des décoctions pour faire briller le pot. En parallèle de ces traces physiques du travail, on suit l’activité de celles qui font la céramique.  Car il s’agit de femmes la plupart du temps, mais pas toujours. Travail physique astreignant doublé de codes culturels qui rythment les interdits magiques (une femme enceinte ne peut pas extraire l’argile).

 

Le commentaire vidéo d’Olivier Gosselain éclaire magnifiquement les pratiques de ces femmes d’Afrique responsables de la céramique et de l’éducation des enfants qu’elles laissent travailler le surplus d’argile pour en faire des petits pots que l’on vendra avec le reste pour bien faire comprendre combien l’argile est chose sérieuse. Le marché justement. Une série de photos illustre la longue de l’autre côté du fleuve Niger, avec de l’eau parfois jusqu’au genou, et 40 kilos de pots posés en équilibre sur la tête, pour aller vendre la production de la semaine au marché de Ségou. L’exposition s’ouvre d’ailleurs avec  une série photographique  très émouvante, réalisée par Camille Virot en 1992, de ces femmes potières qu’il a fait poser devant son appareil argentique après avoir négocié avec les hommes du village ces photos qui retardaient la récolte du mil.

 

Qu’en est-il aujourd’hui ? La dernière salle de Potières d’Afrique pose la question : les pots à eau en plastique du Sénégal, les marmites en émail venues de Chine sont partout en Afrique de l’Ouest. Pour faire la cuisine, plus personne n’utilise les pots en argile de Kalabougou au Mali, de Pitoa au Cameroun, de Tatiko au Niger. Mais la céramique n’est pas perdue. Elle revient sous forme de pot de décoration dans les appartements des  villes d’Afrique. Et pour les potières d’Afrique,  la concurrence ne compte pas, conclut Olivier Gosselain, seule compte la transmission.

 

@lemediapol