Rhône : la grande esbroufe du non-cumul des mandats

Rhône : la grande esbroufe du non-cumul des mandats

En théorie, les élus cumulards de la région lyonnaise n’ont plus qu’un an à vivre. La loi du 14 février 2014 devrait interdire à un parlementaire de cumuler une fonction de chef ou d’adjoint d’un exécutif local dès les élections législatives et sénatoriales de juin et septembre 2017. Mais les &eacu

La dernière commission nationale d’investiture du parti Les Républicains confirme l’imposture. Votée en février 2014 en vue d’une application en 2017, la loi sur le non-cumul des mandats ne s’appliquera probablement pas. En tout cas, c’est ce qu’espèrent de nombreux maires et parlementaires. Ce souhait est partagé non seulement par ceux qui cumulent déjà mais aussi par ceux qui espèrent cumuler dans l’avenir.

 

Futurs cumulards

Ainsi, parmi les candidats LR investis pour les prochaines législatives, on retrouve deux nouveaux maires qui ont conquis deux villes de la banlieue lyonnaise lors des dernières municipales : Jérôme Moroge à Pierre-Bénite et Alexandre Vincendet à Rillieux-la-Pape.

 

Soutenu par Laurent Wauquiez et très satisfait d’avoir été investi, le maire de Pierre-Bénite a en effet déclaré dans un communiqué de presse qu’il restait "plus que jamais, lie et attaché à [sa] ville de Pierre-Bénite"  avant d’ajouter que "la plupart des candidats à la primaire de la droite et du centre ont d’ores et déjà annoncé qu’ils réaménageraient la règle stricte de non-cumul des mandats, ce qui me permettra, en cas de victoire, de rester maire de Pierre-Bénite, tout en portant à Paris, les préoccupations et les attentes de nos territoires populaires".

 

Alexandre Vincendet est dans le même état d’esprit, tout comme le député Philippe Meunier qui est, depuis janvier 2016, vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Si le texte devait s’appliquer, il ne pourrait pas cumuler sa fonction dans l’exécutif de Laurent Wauquiez et son mandat de parlementaire. Toujours est-il qu’il a été investi par Les Républicains pour les prochaines législatives.

 

A gauche, c’est pareil

Mais à gauche, certains sont dans la même situation. Les maires d’arrondissement qui espèrent un mandat de député ne pourraient pas cumuler les deux fonctions. Même si ils ne sont pas déclarés officiellement, ils y pensent très fort. Ainsi, il en va de Hubert Julien-Laferrière, le maire du 9e arrondissement de Lyon, de Denis Broliquier, maire du 2e arrondissement ou de Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement.

 

Cumul Familial

Reste que tous ceux qui cumulent souhaitent continuer à le faire. Philippe Cochet (maire de Caluire), Christophe Guilloteau (président du département du Rhône), Bernard Perrut (maire de Villefranche-sur-Saône) défendront devant leurs électeurs en juin 2017 l’opportunité d’un nouveau mandat de député. (Lire à ce propos l'analyse sur la question de Bernard Perrut)

 

Si certains parlementaires ne cumulent pas au sens strict, ils ont néanmoins inventé le cumul familial. Ainsi, la sénatrice LR Elisabeth Lamure a démissionné en juillet 2015 de son poste de maire de Gleizé après 26 ans de mandat au profit de Ghislain de Longevialle, son premier adjoint mais également son compagnon dans la vie. Il se murmure par ailleurs que Christophe Guilloteau pourrait laisser sa circonscription à son épouse, Sophie Cruz, conseillère régionale LR, si d’aventure la loi sur le non-cumul devait tout de même s’appliquer.


"Fuck !"

Laurent Wauquiez, qui est à la fois député et président de la deuxième région de France, a littéralement répondu "fuck" au non-cumul des mandats lors d'un déjeuner avec des journalistes. Quant à Gérard Collomb, sénateur-maire-de-Lyon-président-de-la-Métropole-de-Lyon (mais aussi des HCL, élu au Syral…) il a promis au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC qu’il "n’y aurait jamais de fin du cumul des mandats".

 

D’ailleurs, le maire de Lyon s’est voté une loi d’exception. La loi sur la Métropole de Lyon lui permet en effet de cumuler jusqu’en 2020 ses mandats de maire de Lyon et de président de la Métropole de Lyon. Si certains pensaient que Lyon devrait un nouveau maire en 2017 à l’occasion de l’application de la loi sur le non-cumul, ceux-là n’ont plus que leurs yeux pour pleurer.

 

En revanche, dans l’hypothèse où la loi ne serait pas modifiée, Gérard Collomb devrait quitter son mandat de sénateur en octobre 2017 au profit du Villeurbannais, Gilbert-Luc Devinaz.

 

Court-circuit

Au Sénat, un sénateur a perçu que la loi sur le non-cumul était une grande imposture. Jean-Louis Masson, le sénateur de la Moselle, a déposé une proposition de loi qui a toutes les chances d’être rejetées en vue d’appliquer le non-cumul des mandats dès le 1er janvier 2017.

 

Le sénateur Masson justifie sa démarche : "hélas [des] parlementaires cumulards endurcis persistent dans un combat d'arrière-garde pour s'accrocher à leurs prébendes. Ainsi fin 2015, la presse a annoncé qu'au Sénat, des élus de droite préparent une proposition de loi pour abroger la loi organique du 14 février 2014. Son vote au Sénat, actuellement de droite, permettrait d'anticiper l'éventuelle élection d'une majorité de droite à l'Assemblée nationale en 2017. Dès le lendemain de son élection, celle-ci pourrait alors voter sans perte de temps, l'abrogation définitive de la loi [sur le non cumul des mandats], laquelle disparaitrait avant d'avoir été appliquée. Pour court-circuiter une telle opération, il faut que l'interdiction du cumul s'applique avant les échéances électorales de 2017."

 

A Lyon, le sénateur-maire d’Oullins, François-Noël Buffet, s’inquiète de l’état de l’opinion publique en cas de modification de la loi : "ça me paraît difficile de changer le cours des choses. Nous verrons bien. Mais pour que cela se fasse, il faudrait que le premier texte voté à l’Assemblée nationale nouvellement élue soit un texte qui abroge la loi sur le non-cumul qui aura existé trois ans sans jamais avoir été appliqué. Pas certain que l’opinion publique soit d’accord avec cette pratique".

 

Sans préjuger du débat de fond de savoir s’il est bon ou utile pour son territoire qu’un parlementaire exerce également un mandat local, la modification de la loi aura sans doute, toutes proportions gardées, le même effet que le tour de passe-passe qui a consisté à s’asseoir sur le vote des Français lors du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen.

 

Slim Mazni