Ce sont 46 pages qui détaillent le processus de transfert des 60% du capital que détient l’Etat dans la société aéroport de Lyon qui exploite les plateformes de Bron et Saint-Exupéry et ses 8,7 millions de passagers. Pilotée par l’Agence des Participations de l’Etat (APE), la privatisation de l’aéroport de Lyon risque fort d’être un processus peu transparent et peu démocratique.
Les collectivités locales auront un simple avis consultatif sur la désignation de l’acquéreur des parts de l’Etat alors qu’elles détiennent 40% de la société (CCI : 25%, Métropole de Lyon, département et région : 5% chacun). La décision finale revient en effet au ministre de l’économie.
Mais Laurent Wauquiez à la région, Gérard Collomb à la Métropole, Christophe Guilloteau au département voire Emmanuel Imberton à la CCI ne semblent pas partager la même vision du développement de l’aéroport.
Quid de la gare de Saint-Exupéry ?
La CCI de Lyon a indiqué vouloir se séparer de ses actions. De son côté, Gérard Collomb semble avoir été entendu puisque la centralité de Lyon, et notamment la priorité à l’intermodalité avec la gare de la Part-Dieu au détriment de la gare TGV de Saint-Exupéry qui est la grande absente des enjeux industriels de la privatisation puisque le projet de cahier des charges est totalement mutique sur cette gare. Elle n’est même jamais citée.
Ce qui contrevient aux exigences posées par le président de la région, Laurent Wauquiez, qui avait souhaité une complémentarité avec les autres aéroports régionaux. En effet, sans une intermodalité avec Saint-Exupéry, les passagers des autres aéroports régionaux risquent fort de devoir passer par le centre de Lyon et la gare de la Part-Dieu et d’emprunter ensuite l’équipement métropolitain qu’est le tram Rhônexpress.
Ainsi, "les Acquéreurs Eventuels devront également joindre à leur Offre Ferme un mémoire présentant, en cohérence avec leur projet industriel, stratégique et social, leurs vues les modalités permettant de renforcer le pôle d’échanges multifonctionnel sur le site de l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, et notamment l’intermodalité fer/air compte tenu de la vocation de la gare de la Part-Dieu à demeurer la principale gare de l’agglomération lyonnaise" peut-on lire dans le document. La gare TGV de Saint-Exupéry risque donc de demeurer encore longtemps la gare fantôme du réseau SNCF.
20 millions de passagers d’ici 2035
Par ailleurs, Christophe Guilloteau, le président du département du Rhône, a d’ores et déjà annoncé qu’il s’opposerait à tout acquéreur potentiel qui ne respecterait pas l’interdiction des vols de nuit afin de faire droit à une revendication de l’Association contre l’extension et les nuisances de l’aéroport Saint-Exupéry (ACENAS).
Installés sur le territoire du département et non sur celui de la Métropole de Lyon, les riverains adressent en effet leurs complaintes à Christophe Guilloteau et non à Gérard Collomb.
Là encore, le président du département du Rhône risque de voir les nuisances s’accroître bien au contraire. L’acquéreur potentiel est en effet invité à mettre en cohérence ses investissements pour les 15 prochaines années avec "la trajectoire d’investissements tracée par le contrat de régulation économique 2015-2020 [qui a été conçue pour atteindre 20 millions de passagers d’ici 2035 ] ".
Mais ce n’est pas tout. La surprise du processus de privatisation vient de la volonté de l’Etat de faire de la plateforme lyonnaise un hub logistique de niveau européen. En effet, le futur actionnaire de Saint-Exupéry est invité à se pencher sur "l’opportunité de mettre en oeuvre une stratégie permettant à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry de devenir un hub de fret au niveau européen, et plus particulièrement une plateforme de logistique intermodale pour l’Europe du Sud".
L'appel d'offres sera problablement lancé officiellement la semaine prochaine. Face à Emmanuel Macron, chaque représentant des collectivités locales aura fait entendre sa voix. A la lecture du cahier des charges actuels, il semble que ce soit plutôt Gérard Collomb qui remporte la bataille du lobbiyng.
Slim Mazni