Les services des finances du département du Rhône ont-ils volontairement caché l’information à leur nouveau patron ? C’est en tout cas ce que soupçonne un membre du cabinet de Christophe Guilloteau : "de toute façon, il n’y a pas plusieurs solutions. Soit, c’est de l’incompétence, soit c’est volontaire avec une volonté de nous nuire dictée de l’extérieur !".
Début novembre, Christophe Guilloteau qui préside le département du Rhône depuis mars 2015, a été informé par ses services financiers que la collectivité était contrainte de reverser 25 millions d’euros à la Métropole de Lyon au titre des droits de mutation pour l’année 2015.
Cet "oubli" accentue un peu plus les difficultés budgétaires du département du Rhône en même temps qu’il renforce l’absence de confiance entre Christophe Guilloteau et ses propres services administratifs.
Dissimulation
Après son élection au conseil départemental, Guilloteau avait commandé un audit au cabinet EY qui avait révélé le caractère insincère du budget voté par le précédent exécutif présidée par Danielle Chuzeville (UDI). Les fonctionnaires des services des finances du département avaient alors révélé au nouveau président d'importantes omissions dans le budget 2015.
L’audit mettait en effet au jour la dissimulation de dépenses qui n’avaient pas été inscrites au budget prévisionnel pour l’année 2015. Ainsi, c’est 25 millions d’euros qui ne furent pas intégrés au budget prévisionnel par le précédent exécutif. Et ce, en toute connaissance de cause.
Le rapport mettait également le doigt sur certaines recettes manifestement surestimées, de l’ordre de 9,4 millions d’euros selon l’audit. "Sans la sous-estimation des dépenses et la hausse des recettes, le budget 2015 n’aurait pas été voté à l’équilibre" s’alarmait le document. Les collectivités territoriales ont l'obligation de voter un budget en équilibre au risque de qui elle s'expose à une mise sous tutelle de la part du préfet qui se charge de rétablir l'équilibre du budget.
"Il est donc nécessaire de mettre en place un plan stratégique de réduction des dépenses du Département à amorcer dans le cadre de la préparation budgétaire 2016. Cette réflexion doit être lancée très tôt, dés juillet 2015, pour s’inscrire dans un travail de refonte du processus de préparation budgétaire et sur la mise en œuvre d’un contrôle interne plus fiable afin de limiter le risque d’aléas négatifs sur les dépenses du Département".
Le cabinet d’audit enjoignait donc Guilloteau à trouver d’urgence "des économies entre 44 et 56 millions d’euros". Dans la perspective de la préparation du budget 2016, le nouveau président du Rhône y est parvenu en réclamant des efforts à toutes les directions de la collectivité tout en respectant sa promesse électorale de ne pas augmenter les impôts.
"Je n'accuse personne"
"On m’a demandé de faire 50 millions d’euros d’économies. On y est arrivé. Et une fois que c’est fait, on m’annonce que l'on doit encore trouver 25 millions pour la Métropole de Lyon" détaille Christophe Guilloteau qui ajoute : "je n’accuse personne. C’est une erreur des services. Mais ça fait quand même beaucoup".
Lors de la dernière assemblée de la Métropole de Lyon, le 2 novembre dernier, une décision modificative du budget a d'ailleurs été votée pour augmenter de 25 millions d'euros le budget primitif de la Métropole relatife aux droits de mutation.
CLERCT
Certains au Département espéraient que la Métropole ne réclamerait pas cette somme. Mais le vice-président aux finances du conseil départemental, Renaud Pfeffer relativise néanmoins la situation: "Bon, il est vrai que le département n'avait pas provisionné ces 25 millions. C'est une erreur au niveau comptable. Mais ce n'est pas un sujet. C'est de l'argent que nous devions de toute façon au titre des charges transférées par la création de la Métropole de Lyon".
Il est pourtant étonnant de voir le département découvrir cette somme de 25 millions d'euros alors que la loi sur la création de la Métropole de Lyon avait prévu qu'une commission locale chargée de l’évaluation des charges et des ressources transférées (CLERCT) devait s'atteler, sous la houlette de la présidente de la chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes, à analyser tous les échanges financiers entre le département du Nouveau Rhône et la nouvelle Métropole de Lyon.
Mais une autre épée de Damoclès attend le département. Les taux d'intérêts sur les emprunts toxiques contractés alors que Michel Mercier était le président de la collectivité vont s'envoler pour atteindre près de 28%. Dès le 1er décembre prochain! Du coup, les discussions pour bâtir le budget 2016 s'apparentent à une équation quasi insoluble pour le président Guilloteau.
Slim Mazni