De façon très banale, la Métropole de Lyon a choisi de changer de prestataire pour son marché de propreté des berges du Rhône à l’issue d’un appel d’offres public. De mai 2011 à juin 2015, le contrat était détenu par Onyx, filiale de Veolia.
La petite boîte qui monte…
Depuis quelques mois, une petite société locale installée à Rillieux-la-Pape, SRP Polyservices, a raflé ce marché de 9,6 millions d’euros au nez et à la barbe de la multinationale de l’environnement. Qu’est-ce qui a fait la différence ? Le prix. La petite société de Rillieux a su proposer le prix le plus bas. Dans le jargon de la commande publique, on dit qu’elle a été la moins-disante.
Depuis 2008, SRP Polyservices a décroché près de 60 millions d’euros de contrats* auprès du Grand Lyon pour diverses prestations de nettoiement. Personne n’a vu venir cette petite PME qui monte et chacun cherche à percer sa martingale.
Dumping social
Veolia pense l’avoir trouvée et affirme que SRP méconnaît les règles du Code du travail et appliquerait, pour ses salariés, la convention collective des entreprises de la propreté alors qu’elle devrait être censée appliquer celle des activités du déchet appliquée par toutes les entreprises du secteur de la propreté sur la voie publique.
La différence entre les deux, c’est 20% de moins sur les salaires, l’absence de 13e mois, l’inexistence de primes de panier, de primes de salissure ou de majoration pour travaux pénibles ou dangereux. Tous ces avantages sont prévus par la convention collective des activités du déchet mais ne sont pas contenus dans celle des entreprises de propreté.
En somme, il s’agit bien d’un dumping social entretenu à la faveur des logiques de marchés publics qui récompensent les entreprises sur le seul critère du prix le plus bas. "Pour moi, c’est au final l’impôt des Lyonnais qui compte" se justifie Thierry Philip, le vice-président de la Métropole de Lyon en charge de la propreté.
Procédure devant le tribunal
Mais il s’agit aussi d’une concurrence déloyale pour les concurrents de SRP. Veolia a d’ailleurs engagé une procédure dans ce sens devant le tribunal de commerce de Lyon. Thierry Philip explique cependant que "la Métropole de Lyon ignorait ces débats sur les conventions collectives. Certaines entreprises sont venues nous voir pour nous expliquer ces subtilités. Il s’agit de conflits privés entre deux sociétés. Mais nous adapterons nos procédures en fonction de ce que dira le tribunal".
Arguties juridiques
Entre la convention collective du déchet et celle de la propreté, il existe pourtant autant de différences qu’entre le métier d’un éboueur et celui d’une femme de ménage ou d’un concierge.
La première s’applique en effet pour "tous services de nettoiement de voirie, d'infrastructures urbaines, de places, d'espaces verts, de sites naturels..."
La seconde couvre en revanche une "activité de nettoyage de locaux (…) et/ou une activité de nettoyage à domicile de moquettes, tapis, tentures et rideaux". En clair, et pour l’essentiel, il s’agit d’une activité de propreté à l’intérieur de locaux et non sur la voie publique comme c’est le cas pour le marché des berges du Rhône ainsi que pour les autres marchés remportés par SRP Polyservices.
Mais, Me Michel Nief, l’avocat de SRP Polyservices, argue que "c’est l’activité principale de l’entreprise qui détermine la convention collective à appliquer. Or, par exemple, le marché des berges du Rhône ne représente que 2,5% du chiffre d’affaires annuel de mon client".
Arguments
En ce sens, il faut préciser que SRP a remporté le marché des berges du Rhône en groupement avec d’autres sociétés spécialisées dans le déchet comme Coiro et Trigénium. En défense, Me Nief explique d’ailleurs "que toute la partie collecte des déchets sur ce marché est dévolue à Trigénium, une société spécialisée dans ce secteur d’activité".
Mais l’avocat n’est pas à court d’arguments. Car la convention collective des entreprises de propreté a été amendée par avenant en juin 2002 dans le but de protéger les salariés précaires du secteur. Ainsi, les organisations syndicales signataires du texte ont "procéder à des adaptations de la convention collective en fonction de l'évolution du marché et de l'élargissement des activités des entreprises de propreté par l'intégration des services associés. [Car] il est primordial de s'engager dans un développement d'activité afin d'offrir et de garantir une plus grande stabilité d'emploi aux salariés en poste, avec pour objectif de permettre aux salariés à temps partiel (...) de tendre vers un temps complet selon leur aspiration" justifie le texte de l’avenant.
Un dumping social autorisé?
Or, ce "développement en vue d'une stabilité de l'emploi" a été trouvé dans l’extension des activités classées dans la propreté qui concernent désormais, depuis l’avenant de 2002, les "voiries, signalétiques, matériel urbain, parkings, gares et aérogares (…) ramassage, tri et collecte de déchets sur site, environnement, propreté des moyens de transport". Avec cet avenant, les entreprises de la propreté pourraient bien être autorisées à marcher sur les plates-bandes des entreprises du déchet.
Ainsi, le dumping social semble non seulement favorisé par des politiques rivées sur le critère du prix le plus bas. Mais, au surplus, il pourrait même être autorisé à la faveur de textes censés protégés les salariés. Le tribunal de commerce de Lyon aura à se prononcer dans les prochains mois.
Slim Mazni
* Estimation la plus haute dans le cadre des engagements financiers maximums pris par la Métropole de Lyon.