Dix ans après les émeutes de banlieue, la situation a-t-elle changé dans le Rhône ?

Dix ans après les émeutes de banlieue, la situation a-t-elle changé dans le Rhône ?


Provoquées par la mort à Clichy-sous-Bois, de deux adolescents, Zyed et Bouna, qui fuyaient la police, les émeutes d’octobre 2005 avaient duré près de trois semaines et avaient touché toute la France, y compris la banlieue lyonnaise.

A la Duchère, "le quartier ne s’était pas réellement embrasé", selon l’actuel maire du 9e arrondissement de Lyon, Hubert Julien-Laferrière. Mais une tension était bien présente dans le quartier. En particulier entre la jeunesse et la police, représentante de l’Etat. En témoigne une vidéo tournée par les équipes de TF1, durant la période des émeutes. Elle montrait alors des fonctionnaires, lors d’un contrôle d’identité, tenant un discours provocateur en affirmant, "nous à la limite, plus ça merde dans le quartier, plus on est content. Parce que nous on n’est pas des assistantes sociales".

 

Une jeunesse au grand coeur ?

Depuis, le maire du 9e, a "pris conscience à quel point la population avait le sentiment de ne pas se sentir concernée par les institutions" et qu’il "fallait innover de façon à impliquer les habitants dans les décisions locales, et même nationales. Pour cela, il a fallu transformer l’urbain en ne faisant pas que démolir et reconstruire. Insérer un développement économique, mais aussi soutenir les actions sociales, culturelles, de santé, etc. était important car l’argent ne suffisait pas".

Aujourd’hui, Hubert Julien-Laferrière l’assure, "ca va beaucoup mieux dans tous les domaines avec notamment une délinquance en chute libre et une véritable mixité sociale". Pour autant, le maire "ne crie pas victoire car il reste encore des quartiers à réhabiliter".  Entre autres, celui de la Sauvegarde et du Château. Mais déjà, il est vrai que les premiers grands chantiers terminés ont non-seulement totalement changé l’image de ces zones, mais aussi et surtout le quotidien des habitants.

 

Une jeunesse rancoeur

De l’autre côté du périph, à la MJC de Vaulx-en-Velin, l’optimisme est moins criant. Surtout lorsque l’on sait que le taux de chômage atteint 23% dans les quartiers sensibles, et jusqu’à 42% chez les jeunes de 15 à 24 ans, selon un rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) publié en mai. "Les difficultés économiques, et en particulier les inégalités face à l’emploi créent toujours des tensions", assure un membre de la direction de la MJC qui souhaite rester anonyme.

"Même si aujourd’hui les collectivités ainsi que les pouvoirs publics sont sensibles aux projets des habitants,  ce qui tend véritablement les relations actuellement, ce sont les problèmes religieux. Beaucoup de jeunes tournent leurs pulsions vers un renfermement sur la religion et cela risque de faire empirer la situation. D’autant plus que les jeunes ne croient plus aux discours politiques".

 

On se souvient qu’en 2008, le plan Espoir Banlieues avait pourtant été lancé depuis Vaulx-en-Velin par Fadela Amara, alors secrétaire d'État chargée de la Politique de la ville.

Dans le plan, était compris le "contrat d’autonomie". Il avait pour but d’accompagner 100 000 jeunes de 16 à 25 ans issus des quartiers prioritaires, vers un emploi ou une formation qualifiante avec une entreprise. Mais selon un rapport de la Cour des Comptes datant de 2012, seulement 25% des 41 000 contrats signés ont débouché sur un emploi, soit 10 250 embauches... Dans le rapport de l’ONZUS datant de mai dernier, il est également indiqué qu’un jeune sur deux de entre 18 et 24 ans vit sous le seuil de pauvreté dans les zones urbaines sensibles...

Du côté de la MJC, on analyse la situation : "Certains ont tout intérêt à mettre à mal les rapports sociaux. Parmi eux, les trafiquants, qui veulent conserver leurs zones de non-droit, mais aussi les policiers extrémistes". Pour endiguer le phénomène, il faudrait insister sur "l’importance toute particulière de vivre ensemble"

 

La mixité sociale, pourtant, les pouvoirs publics se disent totalement engagés pour la rendre possible. Des paroles, qui se traduisent par des chèques. Des barres ont été démolies, de nouveaux logements construits sur l’ensemble du territoire, et y compris à la Duchère et à Vaulx-en-Velin. 2,4 milliards d’euros de subventions, tel était le montant du plan national de rénovation urbaine (PNRU) entre 2003-2013. Quant au nouveau PNRU sur la période 2014-2024, il prévoit encore 5 milliards de subventions supplémentaires.

 

Une nouvelle façade, mais dans le fond, les quartiers ont-ils changé ? Lundi dernier,  le gouvernement annonçait de nouvelles mesures pour les quartiers, dont l’usage généralisé des caméras-piétons, fixée à l’épaule des forces de l’ordre pour filmer les interpellations.

 

Julien Damboise