Après lecture du rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) sur les Subsistances, il y a un moment d’hésitation. Accabler la ville de Lyon épinglée pour être "formellement peu investie dans le suivi des actions menées malgré l’importance de son soutien financier et matériel qu’elle lui accorde". Ou bien s’inquiéter de la gestion de Guy Walter, le directeur de la structure qui dirige également la Villa Gillet, dont la rémunération est de « 9 fois supérieur au SMIC et au-delà de 9000 euros".
Les observations de la CRC portent sur la période 2008-2013. Lieu consacré à l’émergence artistique, les "Subs", doté d’un budget de 3,7 millions d’euros, reste un établissement à nul autre pareil dans le paysage culturel français. A quelques exceptions près (Belle de mai à Marseille, le 104 à Paris), les Substances consacrent ses efforts à accueillir des compagnies en résidence afin d’aider à la création artistique et de favoriser l’émergence de nouvelles esthétiques.
Copinage… ?
Mais la chambre relève que les conditions d’accueil des compagnies d’artistes sont "transparents". "Le processus de sélection en lui-même n’est pas plus encadré. Les dossiers sont examinés principalement par le directeur [Guy Walter] et la directrice déléguée [Cathy Bouvard], sans que leur décision ne fasse l’objet de compte-rendu ou d’une motivation. Il ne ressort pas des comptes rendus du conseil d’administration que celui-ci validerait la sélection".
Le rapport critique donc le choix du prince qui laisse la porte ouverte à tous les copinages. Cette critique est d’ailleurs récurrente dans le monde culturel lyonnais. La chambre préconise la mise en place d’une commission de sélection afin "d’analyser les candidatures formellement déposées".
En appui de ses constats, la CRC note que "49% des résidences de la période ont été attribuées à des compagnies accueillies plusieurs fois . 20% des compagnies bénéficient d’un peu moins de la moitié des résidences. Certaines d’entre-elles ont bénéficié de 4 ou 5 résidences sur ces six dernières années".
Les dirigeants des Subs assument et expliquent que des artistes ont besoin d’être suivis sur le long terme. "Cependant, la chambre relève qu’aux Subsistances […] il ne s’agit pas de résidences sur un même projet qui se prolongeraient sur plusieurs saisons, mais de multiples résidences successives accordées aux mêmes artistes sur des projets différents".
Abandon des droits
Par ailleurs, alors que les Subsistances financent la résidence des compagnies et leur création artistique, elle abandonne ses droits de coproducteur sur les spectacles créés. "Autrement dit, la réussite et l’exploitation d’un spectacle créé aux Subsistances n’entrainent aucune retombée financière pour [les Subsistances]. Pourtant, un partage des droits sur la coproduction est juridiquement envisageable".
Baisse de la fréquentation
Pour la chambre, la structure connaît mal ses chiffres de fréquentation et les surestime. Elle avance le chiffre de 40 000 spectateurs par an dans ses documents de communication alors que le rapport révèle qu’ils sont deux fois moins nombreux et même de moins en moins présents. "De 23 000 spectateurs pour la saison 2008-2009, la fréquentation est tombée à environ 17 000 spectateurs pour la saison 2013-2014 ". Toutefois, cette baisse est à relativiser puisque en grande partie due à moins de festivals organisés.
Gouvernance
La chambre épingle d’autres aspects de la gestion des Subsistances, notamment sa gouvernance. Gérée sous le statut d’une association loi 1901, les Subsistances pourraient être rattraper par l’administration fiscale en raison du risque d’une gestion de fait de la part des directeurs salariés de la structure dont l’un perçoit plus de 9 SMIC, ce qui semble contradictoire avec le caractère en théorie non lucratif d’une association loi 1901.
La ville de Lyon a conscience de la plupart des constats sévères que dressent le rapport de la CRC et y apportera des réponses. Georges Képénékian, l’adjoint à la culture de la ville, a d’ailleurs incité, dès le début de l’année 2015, la direction des Subs à reconsidérer une partie de son projet.
Slim Mazni
Un rapport de la chambre des comptes étrille la gestion des Subsistances
Manque de transparence, copinage, surestimation de la fréquentation,
rémunération des dirigeants épinglés, manque de contrôle de la ville de
Lyon, déontologie du commissaire aux comptes mise à l’index… La chambre
régionale des comptes dresse un constat accablant de la gestion des
Subsistances.